« Solidarité-Partage », « Éducation-Santé », « Servir le Sénégal » : Ci-gisent les fondations des premières Dames !
26 août 2023La fondation « Servir le Sénégal » a été dissoute à l’instar des deux fondations de Premières Dames qui l’ont précédé. La décision relance le débat sur leur financement et leur fonctionnement.
La page est définitivement fermée pour la fondation Servir le Sénégal de Marième Faye Sall. La future première Dame dont le mari héritera en avril 2024 des rênes du pouvoir, va certainement, à son tour, mettre en place sa propre fondation sur les ruines de toutes celles qui l’ont précédée depuis Elizabeth Diouf. En effet, à l’instar des Fondations « Solidarité-Partage » et « Agir pour l’Éducation et la Santé au Sénégal », « Servir le Sénégal » vient de prononcer son autodissolution qui a été actée le 11 août 2023. Une décision qui s’inscrit en droite ligne avec l’annonce faite par le président de la République, Macky Sall de renoncer à un troisième mandat en 2024. Les Sall ont ainsi décidé de préparer l’après-pouvoir, signale Le Quotidien qui a ébruité l’acte de mort dans sa livraison de ce vendredi.
Ceci n’est pas sans rappeler le même destin que « Servir le Sénégal » partage avec ses devancières qui ont toutes été créées dans les mêmes conditions, pour les mêmes finalités et qui, au finish, disparaissent à la chute du régime qu’elles accompagnent. En réalité, drapé du manteau de l’action sociale, ces fondations qui brassent des milliards de francs CFA, ont des soubassements éminemment politiques. A travers ces œuvres caritatives, il s’agit pour ces premières Dames d’accompagner de manière soft l’action politique de leurs époux.
Des actions sans aucune pérennité
Ainsi, portée sur les fonts baptismaux au début des années 1980, « Solidarité-partage » de Elizabeth Diouf est la première fondation lancée par une première Dame du Sénégal. Elle est créditée de plusieurs actions sociales allant de l’érection de dispensaires à la distribution massive de moulins à mil aux groupements de femmes sénégalaises. Des actions d’envergures qui avaient touché les populations sénégalaises jusque dans les coins les plus reculés du pays au point que le couple présidentiel était d’ailleurs caricaturalement surnommé à l’époque : « Monsieur forages et madame moulins ».
Marchant sur les pas de madame Diouf, Viviane Wade a, elle aussi, créé sa fondation « Agir pour l’Éducation et la Santé au Sénégal » au lendemain de l’alternance de 2000 coïncidant à la dissolution de la fondation « Solidarité-Partage ». « Agir pour l’Éducation et la Santé au Sénégal » dont les priorités étaient clairement identifiées, elle non plus, n’a pas survécu à la débâcle libérale de 2012 puisqu’elle a été dissoute le 25 juin 2013 en même temps que l’une de ses réalisations phares : l’hôpital de Ninéfecha (Kédougou). En effet, dans une missive estampillée « Dissolution de l’hôpital de Ninéfecha » adressée à Eva Marie Coll Seck, ministre de la ministre de la santé de l’époque, l’ex-première Dame annonce son désengagement dans la gestion de ce joyau érigé en plein cœur de Kédougou.
Projet titanesque inauguré le 6 Novembre 2002, la structure sanitaire qui porte l’empreinte de la première Dame Viviane Wade, est passée d’hôpital de ‘’dernière génération’’ à centre de santé faute de pérennité dans l’action de ces premières Dames. Aucune continuité n’est notée dans les œuvres des différentes fondations qui se sont succédé. Chaque première Dame qui arrive, se détourne du passé et trace son propre sillon.
C’est ainsi qu’à son arrivée en 2012, Marième Faye Sall change de cap. Selon elle, la création de sa fondation s’explique par une ambition simple : « améliorer les conditions de (ses) compatriotes les plus défavorisés ».
Madame Sall avait identifié neuf (9) axes prioritaires que sont : « apporter un soutien médical aux plus défavorisés ; renforcer les équipements des établissements hospitaliers ; faciliter l’accès à l’eau potable par la construction, la rénovation et l’entretien des sources ; offrir un appui logistique et financier dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’environnement ; favoriser la construction, la rénovation et l’entretien des lieux de culte, entre autres ».
Tous les efforts qui ont été consentis ainsi que les moyens colossaux mobilisés pour l’atteinte de ces objectifs tombent désormais à l’eau. Ce qui semble légitimer les interrogations sur ces fondations qui disparaissent sans qu’aucune évaluation ne soit faite.
Un lourd passif
A l’annonce de la dissolution de la fondation « Servir le Sénégal », les questions fusent encore sur le financement et le mode de fonctionnement des fondations des premières Dames et la transparence dans la gestion des fonds qu’elles captent. Comme toute fondation, elles tirent la totalité de leurs finances des dons de différents mécènes au niveau local ou international. D’ailleurs dans le but de lever toute suspicion sur l’origine des fonds de « Servir le Sénégal », Marième Faye Sall révélait dans une interview avoir « peur des dons venant de l’étranger ». « La majorité des dons que nous recevons viennent d’hommes d’affaires qui sont établis au Sénégal », confie-t-elle.
Ce choix a certainement été motivé par le souci d’éviter les déboires judiciaires qu’a connu par le passé l’ex-première lors de la dissolution de sa fondation. Une organisation suisse dénommée Antenna Technologies réclamait à Viviane Wade le remboursement d’un montant de 835 millions de francs Cfa. Un prêt « sans intérêt » que l’organisation avait accordé, en 2010, à la Fondation « Agir pour l’Éducation et la Santé au Sénégal ».
Les fonds en question devaient servir à l’installation d’un projet de microcrédits destiné au monde rural. Sauf que le projet n’a jamais vu le jour. Et l’organisation Antenna Technologies a été surprise de la décision de l’ex-première dame de suspendre les activités de sa fondation. L’ex-président Abdoulaye Wade a dû rembourser cash « pour préserver l’honneur de son épouse ».
Partout en Afrique, la pratique est quasi-identique. Les premières Dames rivalisent d’ardeur dans la création de fondations avec des modes de fonctionnement opaques, souvent aux antipodes des règles de transparence.