Pouvoir-Opposition : A qui profite l’interdiction du vote à Touba ?
13 juin 2023Le khalife général des mourides, Serigne Mountakha Mbacké, a pris une décision majeure en interdisant définitivement toutes les activités politiques sur le titre foncier de Touba, et en déplaçant les bureaux de vote en dehors de la ville.
Cette décision aura un impact considérable, car plus de 600 bureaux de vote et près de 300 000 électeurs devront être déplacés de la ville sainte. Selon certains acteurs de la sphère politique, cette situation pourrait nécessiter une révision spéciale des listes électorales, car les électeurs devront trouver leurs nouveaux bureaux de vote. Cette contrainte de déplacement pourrait entraîner une participation électorale réduite à Touba, ce qui représente un risque pour l’opposition politique, qui y a raflé toutes les élections depuis 2012.
Lors de la dernière élection législative par exemple, la coalition présidentielle a été largement dominée par l’inter-coalition « Yewwi-Wallu » avec un score fleuve de près de 100 mille voix d’écart. Ce fut le cas également à Darou Mousty, la deuxième capitale du Mouridisme, où les responsables Modou Diagne Fada (Directeur général de la Sonacos), Thierno Lô (Pca de Sen Ter), entre autres, ont tout simplement coulé face à des jeunes de la coalition « Yewwi Askan Wi ».
Mieux, depuis son accession au pouvoir, le président sortant, Macky Sall, peine à gagner la ville religieuse de Touba lors des élections. Entre les Législatives, les élections locales et la Présidentielle, la coalition Benno Bokk Yakaar a enregistré des défaites successives dans cette ville sainte qui constitue un grenier électoral important au Sénégal.
Tout a commencé avant l’élection présidentielle de 2012, lorsque Macky Sall, dans une phrase devenue fameuse, traite les marabouts de « citoyens ordinaires ». Des propos qui « ont été manipulés et interprétés de la pire des façon par ses adversaires », selon des tenants du pouvoir. Du coup, le chef de l’Etat a été peint devant l’opinion comme quelqu’un à la croisade des cercles religieux.
D’autres analystes pointent du doigt la guerre de positionnement notée entre les responsables de la coalition présidentielle à Touba. Macky Sall, au lieu de mettre au-devant de la scène des hommes de terrain, a jeté son dévolu sur des chefs religieux qui refusent de s’afficher. Une situation qui a provoqué une grande frustration chez les jeunes « Apéristes » et chez les femmes laissées à elles-mêmes.
Pourtant, Touba est l’une des localités qui comptent le plus de responsables politiques au sein de l’Apr. Mais la guerre entre ces leaders constitue un handicap et affaiblit les chances du candidat Macky Sall dans la cité religieuse.
En tout état de cause, Ababacar Fall du Gradec a suggéré l’idée d’une rencontre avec le guide religieux pour discuter des conséquences de cette mesure. Selon lui, il est important d’évaluer les difficultés que les électeurs pourraient rencontrer lorsqu’ils devront chercher leurs nouveaux bureaux de vote. Une telle rencontre permettra également de mieux comprendre les raisons qui ont motivé cette décision du Khalife général, a-t-il fait savoir.